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23/02/2015

'20 minutes' se demande si Dieu est une femme

christianisme

 

...en marge d'une controverse censée opposer le cardinal O'Malley (archevêque de Boston) à un revenant nommé Micheal O'Neal : 


 

Tous les lundi matin, 20 minutes.fr propose une « séance de rattrapage actu » : c'est pour avoir des choses à raconter « à la machine à café ». Il ne s'agit pas de les raconter à la machine elle-même* mais aux collègues de bureau. « Le week-end est déjà fini et vous venez de vous réveiller d'une sieste de 48 heures, ou d'émerger de votre gueule de bois après la soirée de vendredi ?  Vous vous demandez ce que vous allez bien pouvoir trouver à raconter aux collègues et aux potes lundi à la machine à café/au comptoir ? Pas de panique, 20 Minutes vous a préparé une antisèche sur l'actu des 21 et 22 février 2015. »  Et voici la sélection de sujets par 20 minutes

 

<< 1. Musulmans et juifs forment une chaîne humaine à Oslo, 2. un nouveau virus mortel découvert aux Etats-Unis, 3. La nouvelle coupe de Kim Jong-un régale le Web, 4. Dieu est une femme, 5. Tous les supporters de Chelsea ne sont pas racistes.  >>

 

Chacun de ces points fait l'objet d'un commentaire du journal - en quelques lignes. Voici donc le point 4 :

 

<< 4. Dieu est une femme - L'info n'est pas si surprenante que ça : il y avait une chance sur deux que ce soit le cas. Elle est en tout cas à prendre très au sérieux puisqu'elle émane d'un prêtre zombie. Le père John Micheal O’Neal, 71 ans, a raconté avoir rencontré Dieu, qu'il décrit comme une "figure maternelle chaleureuse et réconfortante", pendant un arrêt cardiaque de 48 minutes dont il a réchappé, et il est formel : Le Saint-Père est une Sainte-Mère. Son cardinal a toutefois insisté pour démentir, assurant que Dieu n’était pas une femme et que le père O’Neal avait subi des hallucinations. >>

  

Ayant lu ça, hausser les épaules est la première réaction des chrétiens croyants. Leur seconde réaction est de regretter d'avoir haussé les épaules. Quand on n'est plus que 9 % de la population et que l'on croit « savoir » quelque chose au sujet de Dieu, le bon réflexe n'est pas de s'irriter contre les 91 %. Parmi ceux-ci, plusieurs millions croient techniquement savoir que Dieu n'est qu'une invention humaine. Plusieurs millions d'autres sont moins tranchants, mais retiennent que Dieu, en tant qu'image humaine, est nécessairement masculin ou féminin... « Une chance sur deux que ce soit le cas », écrit même 20 minutes – rendant ainsi hommage à la nature humaine sexuée.

Le devoir du catholique croyant, autour de la machine à café, n'est donc pas de s'indigner de ce qu'écrit 20 minutes. Ni de clamer que l'expression « Saint Père » s'applique au pape et non à Dieu, etc. Toutes réactions qui seraient des actes manqués...

Le devoir du croyant est plutôt d'expliquer.

Pour la foi catholique, dire que Dieu est une femme n'est pas moins absurde que de dire qu'Il est un homme. Dieu n'est ni un homme ni une femme. Il est le Créateur de la condition humaine tout entière : donc le Créateur des deux identités sexuées, l'homme et la femme. « A cause de cela Il contient en Lui-même les propriétés fondamentales de la femme d'une manière tout aussi éminente que celles de l'homme », explique Hans Urs von Balthasar. Alors pourquoi l'appeler Père ? « Il est nommé Père parce que c'est de Lui-même qu'Il est fécond, et qu'Il n'a donc besoin d'aucune fécondation. »** 

Prendre le mot « Père » au sens de l'identité sexuée serait donc une erreur, comme les oeuvres d'art représentant le Père sous les traits d'un homme sont une solution inadéquate***. La toute-puissance divine ne tient pas au fait que Dieu puisse faire ceci ou cela : sa toute-puissance est « un don de soi que rien ne peut limiter »... « Qu'est-ce qui pourrait surpasser la puissance de susciter une réalité ''de même nature'', c'est-à-dire de même amour et de même puissance : non pas un autre Dieu mais un autre en Dieu (''au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le verbe était Dieu'' , Jean 1) ? »**

 

Le revenant O'Neal (mais existe-t-il ?) semble, d'après le Daily Monitor, source US de 20 minutes, ne pas connaître ces évidences théologiques. Il tire de sa Near Death Experience des conclusions déraillantes, si l'on en juge par les propos qu'il tient aux journalistes sur son lit d'hôpital :

<<  I would like to share my new knowledge of the Mother, the Son and the Holy Ghost with all catholics and even all Christians. God is great and almighty despite being a woman… >>

Je ne sais pas sous quel angle l'excellent cardinal de Boston aurait réfuté le récit du P. O'Neal. Je ne sais d'ailleurs pas s'il l'a « réfuté ». (Le Daily Monitor n'en dit pas plus que 20 minutes). S'il avait eu à le faire, il aurait simplement repris ce que disent Balthasar et toute la théologie catholique. Peut-être aussi aurait-il forcé le trait, face à un flot de commentaires (bien réels ceux-là), sous l'article du Daily Monitor, qui brodent sur la déclaration absurde du P. O'Neal. Par exemple celui-ci :

<<  Wait, wait, wait. "God is great and almighty despite being a woman…” DESPITE ? Did he actually say DESPITE ??? As in, amazingly, although the being is handicapped by being an inferior sex (ie., female) it is still great and almighty ????? Oooooh boy... I think I'm going to Boston to unplug the old fart ! >>

  

Peut-on discuter de tout ça  -  comme nous y pousse 20 minutes - autour de la machine à café ? Oui. En 2004, lors de la sortie française du film de Gibson La Passion du Christ, il y eut beaucoup de discussions de ce genre. Il ne fut pas facile d'expliquer l'historicité de la Passion tout en faisant comprendre en quoi Gibson dérapait... Expliquer en quoi le P. O'Neal aurait presque raison (et surtout en quoi il aurait tort) serait plus simple, même si le P. O'Neal n'était qu'une mystification. J'ajoute une mise en garde : l'espresso en capsules est mauvais pour la santé. 

 

 

Il faut lire également l'autre article de 20 minutes sur le sujet, dans la rubrique intitulée T'as vu ? : 

http://www.20minutes.fr/insolite/1546435-20150222-etats-unis-mort-pendant-48-minutes-pretre-affirme-dieu-femme

  

L'algarade quasi-post-mortem entre le revenant O'Neal (qui s'appelle Micheal) et le cardinal O'Malley (qui s'appelle Sean) a l'air de sortir d'un roman de Flann O'Brien. Métaphysique à l'irlandaise ? Peut-être : surtout si toute cette histoire n'est qu'un hoax, comme l'affirme le blog américain Friendly Atheist...

 

  

 

_______________

* Bien qu'un robot nippon nommé Pepper soit « capable de comprendre 80 % d'une conversation humaine », apprenait-on en 2014.

** Credo, p. 46 (éd. Nouvelle Cité).

*** Contrairement aux représentations artistiques du Fils qui, Lui, s'est incarné dans la condition humaine en tant que créature masculine. C'est le sens de la masculinité eucharistique du sacerdoce, qui configure le prêtre au Christ : si « ceci est mon corps », c'est historiquement et concrètement le corps d'un homme, non celle d'une femme. Jésus de Nazareth n'est pas un androgyne gnostique.

 

 

12:50 Publié dans Eglises | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : christianisme

Commentaires

CRÉATION ET CATÉCHISME

> Comme toujours, votre article m'a beaucoup intéressé, bien qu'il m'ait un peu dérouté au début.
J'ai bien aimé la description toute spirituelle que Urs von Balthasar fait de la toute-puissance divine. Dans sa Profession de Foi, en 1968, Paul VI disait du Saint-Esprit qu'il est, par rapport au Père et au Fils, "le souffle de leur éternel amour".
Du point de vue métaphysique, la toute-puissance se manifeste par l'acte créateur : le pouvoir de produire l'être à partir du néant. Il n'est bien entendu pas question de faire un cours de métaphysique à des enfants, mais le "vide" de la catéchèse actuelle s'explique par le fait de passer sous silence -- par peur du Big Bang ou de Darwin ? -- la création du monde.
Le cardinal Ratzinger l'a fait ressortir dans une série de quatre sermons de Carême qu'il donna, du temps où il était archevêque de Munich. Il l'a redit, à Paris et à Lyon, en 1983, ajoutant que c'était une erreur d'avoir supprimé le catéchisme. Il souleva alors un beau tollé !... And there we are...
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Écrit par : Alleaume, Jean-Claude / | 23/02/2015

HOAX ?

> Dieue serait-ille Mère, Fils et Sainte-Aise-Prie ?
Merci, cher PP, pour votre décryptage-de-machine-à-café, reste que la nouvelle serait un canular (« hoax »).
http://www.patheos.com/blogs/friendlyatheist/2015/02/22/hoax-alert-father-oneal-who-has-met-god-and-thinks-shes-a-woman-is-made-up-just-like-god-herself/
http://journalmetro.com/opinions/inspecteur-viral/725307/non-un-pretre-ressuscite-na-pas-affirme-que-dieu-est-une-femme/

Denis

[ PP à D. - En ce cas, c'est encore plus irlandais ! ]

réponse au commentaire

Écrit par : Denis / | 23/02/2015

KISS ME, I'M IRISH

> Ah ! ce vent mutin des landes irlandaises…
Les déclarations du P. John Micheal feront en tout cas un bon sujet de discussion aux prochains défilés de la Saint-Patrick !
Aucune trace en tout cas, j’ai vérifié, de ce « Dieu est Mère… » dans la légendaire « prière de saint Patrick » (où, soit dit en passant, le Saint-Esprit est quelque peu mis sur la touche).
http://fr.wikipedia.org/wiki/Prière_de_saint_Patrick
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Écrit par : Denis / | 23/02/2015

PRIVATION

> La question à se poser c'est: comment se fait-il qu'à l'heure où tout le monde sait tout sur tout, plus personne ne sait donner une définition acceptable (au sens très large) de Dieu ?
Cette "privation" de cette connaissance à la fois élémentaire et la plus essentielle qui soit, est forcément volontaire, et universellement volontaire: c'est à dire que TOUTES les forces influentes de ce monde unissent leurs forces pour atteindre et entretenir ce but.
Qui est englobé dans ce "TOUTES" ? Là est la question qui gêne, donc la question véritablement intéressante.
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Écrit par : RH / | 23/02/2015

RÉFLÉCHIR

> Ce qui serait bien, c'est que ça attise vraiment les passions autour de la machine à café, histoire que ça puisse amener ne serait-ce qu'un de nos contemporains à réfléchir.
À l'heure où la différence sexuelle est niée, il ne serait pas étonnant, quoique paradoxal, que l'homme/femme moderne se passionne sur la question du sexe de Dieu, se scandalisant qu'on le dise "Père" et non "Mère". C'est une entrée en matière comme une autre, pas plus bête que beaucoup.
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Écrit par : Guadet / | 23/02/2015

INADÉQUAT MAIS PERMIS

> Représenter Dieu le Père sous la forme d'un homme est certes inadéquat, mais permis : en 1690, un décret du Saint-Office a condamné la proposition selon laquelle « il n'est pas permis à un chrétien de placer dans un temple chrétien une image de Dieu le Père [assis] ».
Puis en 1745, dans "Sollicitudini Nostrae", Benoît XIV a soutenu que les anthropomorphismes divins étaient légitimes, du moment qu'ils sont présents dans les Saintes Écritures.
Evidemment, c'est un point de friction important avec les chrétiens orthodoxes.
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Écrit par : Blaise / | 23/02/2015

ORTHODOXES

> Intéressant et très bien vu et qui montre aussi qu'il n'y a pas de petit sujet(je parle des rencontres autour de la machine à café, pas de Dieu, bien sûr).
On pourrait dire aussi que ce Père par analogie, source de la divinité (il n' a été ni créé ni engendré) est nommé ainsi parce que Jésus nous a appris à l'identifier et le prier comme tel et que, toujours par analogie pure, l'élément "féminin" de la Sainte Trinité serait le Saint-Esprit ,"nexus amoris" entre les trois Personnes ...d'autant qu'en hébreu "rouach" est féminin.
En ce qui concerne l'iconographie et la différence de sensibilité entre catholiques et orthodoxes, ces derniers n'admettent que les représentations canoniques depuis toujours, donc avant le décret de Benoit XIV. En vertu de celui-ci par exemple, l'icône de la Sainte Famille(Jésus,Marie,Joseph étroitement unis) est acceptable mais elle choque les orthodoxes, pas seulement sans doute parce qu'elle pourrait jeter une ombre sur la conception virginale de Jésus auprès d'esprits mal avertis, mais tout simplement parce qu'elle ne pourrait se prévaloir d'une tradition iconographique remontant aux Pères de l'Eglise.
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Écrit par : Girondin / | 23/02/2015

GIBSON

> Si vous parliez du film lui-même, en quoi Gibson dérapait-il ? La seule chose qui m'ait vraiment dérangé dans sa "Passion" - dont je ne suis pas grand fan, à dire vrai - ce sont les scènes diaboliques, que j'ai trouvées tout bonnement grotesques. Encore qu'avec le recul, représenter Satan en androgyne ne manquait pas de pertinence.

AC


[ PP à AC :
Beaucoup d'aspects de ce film reflétaient les obsessions masochistes propres à Gibson, plutôt qu'une soumission au véritable esprit de la Passion.
Ainsi la flagellation de Jésus présentée comme une boucherie démesurée assortie d'une bastonnade : ce qui eût été contraire aux usages pénaux romains... et qui n'est pas du tout attesté par les évangiles.
L'ajout de scènes diaboliques était également une absurdité, comme vous le soulignez.
La quasi-absence de l'idée de la Résurrection était une distorsion, redoutable, du sens de la Passion. Etc.
On peut en vouloir aussi au cinéaste d'avoir accrédité, par ses délires ultérieurs, l'accusation de judéophobie portée (inexactement) contre ce film dont un certain milieu catholique et beaucoup d'évangéliques avaient fait (imprudemment quand on connaît Gibson) un étendard. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Albert Christophe / | 23/02/2015

ENFIN

> Chez les musulmans Dieu possède 99 appellations mais en réalité il y a en 100, la centième n'est connue que de Dieu car toutes autres réunies sont insuffisantes.
"Chez nous" Dieu est tout, et en particulier il est amour, dont une facette est celle de la mère. Mais bon qu'il s'avère que cela est un hoax je n'irai pas plus loin ; je relèverai quand même qu'il me semble que ceux qui disent avoir fait l'expérience de la mort parlent plus en "ressenti" qu'en descriptif [humain].
Enfin déjà les grands journaux ne vérifient pas toujours leurs sources, alors d'un gratuit on ne peut guère espérer mieux.
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Écrit par : franz / | 23/02/2015

REGARDS

> J'ai toujours soutenu et continue à soutenir que le film de Gibson est un bon et un beau film. Il est mystique, baroque, symbolique, ancré dans les évangiles (avec quelques ajouts issus de révélations privées comme celles de Maria d'Agreda). Il ne sert à rien d'y chercher un documentaire historique... Je n'ai jamais trouvé grotesque la mise en scène du Malin, ni de la flagellation : c'est une vision à la fois très incarnée et très spirituelle, voire liturgique (cf. Marie et Marie-Madeleine qui épongent le précieux Sang, avec un tissu donné par l'épouse de Pilate et avec un voile). Quant à la Résurrection, elle est spectaculaire (la recréation du monde par le nouvel Adam) et ne fait que reprendre, comme pour presque toutes les scènes du film, toute une lignée de tableaux ou de sculptures, qui ont fait l'histoire de l'art sacré (le titre du film étant "La Passion du Christ", on ne peut pas s'attendre à y voir les quarante jours de glorification de Jésus jusqu'à l'Ascension).
Bref, inutile de reprendre le débat qui avait agité les cathos de France il y a 11 ans, mais comme d'habitude, je pense qu'il y a eu le film lui-même d'un côté, et de l'autre le "film selon les médias" (comme pour Vatican II ou les synodes, etc.) : le terrorisme médiatique était alors tel, en 2004, autour de ce film, qu'il avait fallu que je tienne la main à de nombreuses personnes (catholiques) intimidées, en les accompagnant au cinéma et en leur expliquant les symboles. Je ne me rappelle plus, du coup, combien de fois je l'ai vu en salle...

Alex


[ PP à Alex - Voilà un exemple de la différence des regards de spectateurs ! Sauf le "voici que je fais toutes choses nouvelles", qui est une idée d'interpolation magnifique, ce film m'a troublé et ne m'a pas ému... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Alex / | 24/02/2015

@ Alex

> Je me souviens de nombreux débats avec une bande d'amis lors de l'habituel déjeuner dominical d'après messe tout aussi dominicale.
J'avais mis du temps avant d'aller voir ce film qui me tentait de moins en moins au fil des descriptions. Je m'y suis pourtant enfin résolu pour pouvoir en discuter en toute connaissance de cause.
Je vais faire court, l'heure n'est plus au "débat qui avait agité...".
Assez rapidement, durant la projection, face à quelques outrances à la limite du grotesque, j'ai eu envie de rire - pas très raccord avec un film qui se voulait des plus sérieux.
Cette musique omniprésente (dans la plus pure tradition des films hollywoodiens) qui venait souligner, ou précéder, les effets était insupportable. Le film aurait-il été nu si on l'avait dépouillé de sa tunique sonore ?
Le moins qu'on puisse dire est que les effets étaient appuyés et martelés (comme le bruitage cataclysmique soudain accompagnant l'enfoncement des clous et destiné à faire sursauter le spectateur par effet de surprise).
Pour ce qui en était de la flagellation, nous étions dans un film gore plus encore qu'hyper-réaliste. L'outrance des effets portait soit à rire, soit au dégoût, voire aux deux...
A l'opposé de la subtilité, ce film était "pornographique" : il prétendait tout montrer, dans une insoutenable démesure semblant surtout solliciter les pulsions scoptophiliques des spectateurs ; or que peut-on montrer d'exact, lorsqu'on sait que les détails descriptifs des évangiles concernant la Passion sont des plus restreints ?
Ce que Gibson a montré, c'est du Gibson, pas les évangiles (contrairement à quelques apparences) !
Comment peut-on, dans ces conditions, accepter de se laisser émouvoir par cet "évangile selon Mel G." ?
Il ne faut pas confondre (comme beaucoup de chrétiens à l'époque l'ont fait) le thème du film et le film lui même, qui est du mauvais cinéma. Et critiquer du mauvais cinéma, ce n'est pas un blasphème, contrairement à ce que certains pensaient (et pensent) des "iconoclastes" qui ont osé démolir la 'Passion' de Gibson...
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Écrit par : Réginald de Coucy / | 25/02/2015

LES NOMS D'ALLAH

> Puisque le sujet des "Noms de Dieu" dans l'Islam est abordé: ils ne nomment pas Dieu comme le fait la révélation dans l'Exode (JE SUIS) ou dans saint Jean (DIEU EST AMOUR).
Une minorité (environ le quart) expriment des qualités de Dieu comme Al-Hamîd, "le Digne de Louange", mais plus nombreux ceux qui expriment simplement un rapport à la Création comme AI-Khabîr , "le Bien Informé". Certains autres laissent mal à l'aise : AI-Mudhill "Celui qui abaisse et avilit".
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Écrit par : Pierre Huet / | 25/02/2015

TOO MUCH

> En accord avec vous, R. de Courcy.
Hollywoodien et outrancier, musique, ralentis et autres hénaurmes effets de manche m'ont fait passer à côté de ce film "too much".
C'est un genre que je sais apprécier à sa juste valeur (soirée potes-pizza-pintes avec un bon gros Bruce Willis en sauveur du monde), mais sur ce sujet il me semble qu'un peu plus de finesse aurait été autrement plus évocateur et percutant.
Dans un autre registre et sur un autre sujet, "L'île" de Pavel Lounguine reste mon film de chevet, un chef d'oeuvre total qui me bouleverse à chaque fois.
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Écrit par : PMalo / | 25/02/2015

@ Reginald de C.

> Merci de reconnaître que vous étiez allé voir le film avec un a priori (très) défavorable, l'esprit rempli de critiques négatives. Pour ma part, je l'attendais avec impatience.
J'ai connu un peu la même expérience que vous à la sortie de "The Tree of Life" : j'avais eu le malheur d'écouter "Le Masque et la Plume" avant d'aller le voir : les critiques étaient sévères, et n'avaient rien compris, notamment, aux scènes de "dinosaures"... Ils m'avaient infusé un peu de leur ironie, de leur distance avant même le visionnage. De plus, le jour de la projection, trop fatigué, j'ai fait une migraine opthalmique dans la salle, et ne suis pas entré dans le film. Ma première impression fut donc très négative ('nanar cosmique', etc.) ; mais je me suis forcé à le reprendre, en DVD ; c'est un film très exigeant, qui s'étudie par morceaux. C'est un film sublime. Je l'utilise parfois, en classe, en parallèle de l'étude de poèmes de Supervielle, par exemple.
Revenons à Gibson : bien entendu, on ne peut pas comparer son oeuvre et celle de Malick (quoique, dans le genre excessif...). Vous parlez d'outrance : certes, qu'y a-t-il de plus outrancier que la mise à mort du Fils de Dieu ? C'est le choix délibéré de Gibson d'une mise en scène appuyée, grandiloquente, 'asianiste" (pour reprendre les catégories stylistiques anciennes), presque expressionniste par moments. Tout sert : musique, ralentis, gros plans, etc. C'est 'hollywoodien', si l'on veut, comme 'Les dix commandements' ou encore comme 'Iron Man' ! C'est ce qui fait du grand spectacle. Rien n'oblige à traiter la figure du Christ uniquement avec atticisme, sobriété, austérité, à la Bresson, par exemple (cinéaste magnifique au demeurant).
Quant au supposé "gore" ou à la soi-disant "pornographie" que vous prêtez au film, cela me ferait sourire si cela ne me blessait pas. L'outrance est ici dans les mots employés. Chacun sait, bien sûr, qu'une flagellation était (et reste, hélas, dans certains pays) une gentille correction sans douleur excessive... Bref.
Pour ma part, je n'ai jamais éprouvé de gêne 'voyeuriste' en regardant le film, mais bien plutôt une empathie profonde, une entrée dans l'immense douleur et dans l'intériorité priante et aimante du Christ pendant sa Passion. Tout sert ici l'émotion religieuse, notamment les citations de l'Écriture, souvent sublimes.
Au final, je pense que c'est le propre d'une grande oeuvre que d'interroger en profondeur le regard que chacun pose sur les images qu'elle donne à voir. Je repense à cette parole du Christ : "La lampe du corps, c'est l'oeil. Si donc ton oeil est sain, ton corps tout entier sera lumineux. Mais si ton oeil est malade, ton corps tout entier sera ténébreux. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, quelles ténèbres !" (Mt 6, 22-23).
Personne n'accuse personne de 'blasphème' en l'occurence : il ne s'agit que d'un film, et je conçois que les avis soient partagés. Les grandes oeuvres suscitent toujours un "entretien infini" (pour détourner le titre de Blanchot).
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Écrit par : Alex / | 26/02/2015

LA MUSIQUE

> merci PMalo, je me sens moins seul
les ralentis et la musique à la Mariah Carey... pitié !
et c'est dommage
J'y suis allé par souci de faire le contraire de ce qui était préconisé. Pas de problème pour la représentation du diable, c'est assez médiéval et pour ce qui est des scènes sanguinolentes, on était prévenu. Non c'est vraiment le style pompier Second Empire qui m'a gêné.
Gibson aurait fait ce film plus sobrement, cela aurait suffi ; inutile de surligner les moments dramatiques en en faisant des effets dramatiques à l'aide de la lourde mayonnaise d'une musique omniprésente.
"pourquoi n’envoyez-vous pas un bon dzim-boum à la fin de vos opéras pour faire comprendre à tous ces Viennois que c'est la fin et qu'ils peuvent applaudir" ?
La sobriété de Lounguine, j'aime.
Et si l'on veut absolument adopter un style symbolique, dans un genre appelé, bêtement d'ailleurs, gothique (en littérature et cinéma), Ingmar Bergman, aurait plus été dans mes goûts.
www.dvdclassik.com/upload/images/galeries/film-le-septieme-sceau3.jpg ("jag, Antonius Block, jag spelar schack med Döden"), ou Dreyer avec "Ordet" ? une histoire de résurrection, il fallait oser.
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Écrit par : E levavasseur / | 26/02/2015

SUR GIBSON

> J'ai également vu la Passion de Gibson. J'ai été profondément touché, malgré un certain nombre de détails agaçants, voire choquants :
- les 10 premières minutes du film, au Sanhédrin, où on se demande si on n'est pas tombé dans un remake du 'Juif Süss' (ah tous ces juifs suffisants, lippus avec leurs gros nez...)
- le fait que, de mémoire, les Romains s'adressent aux Juifs en latin (dans la réalité, tout le monde se serait exprimé en grec, non ?)
- la scène de la résurrection, qui m'a irrésistiblement fait penser à l'arrivée d'Arnold S au début de Terminator :
https://www.youtube.com/watch?v=qKSe9PE002o
https://www.youtube.com/watch?v=LPpQBZpFEUc
La violence du film en elle-même ne m'a pas troublé plus que cela. J'avais lu, quelque part, que ce qui était représenté dans le film correspondait grosso modo à la moitié de ce qu'avait subi le Christ dans la réalité (si l'on se référait au suaire de Turin).
Ce qui était vraiment troublant en revanche (et cela avait été suffisamment souligné à l'époque) : l'ambivalence du regard du spectateur....partagé entre l'empathie vis-à-vis du crucifié et la "satisfaction" d'assister à un spectacle gore... de fort bonne facture. Assez loin, je pense (je n'ai pas vu ces films...et je n'ai pas envie de les voir) de 'Saw' ou de 'Hostel', mais il y avait quand même le souci du détail : la sang qui gicle sur l'objectif de la caméra, les pointes du fouet qui restent coincées dans la chair et qui en arrachent un bout, les corbeaux qui picorent l'oeil du mauvais larron, la célèbre scène du "merde ça ne tombe pas en face du trou", etc..
Oui, troublant. Très troublant...

Feld


[ PP à Feld - Comme dit le P. Eschbach dans l'extrait que notre blog publie ce vendredi matin,
"le Verbe, en s'incarnant, se compromet avec la parole des hommes". Ce qu'ils diront de Lui en retour sera plus ou moins "digne du mystère de Dieu". Les locuteurs humains (les cinéastes comme les autres) se débrouillent avec leur propre culture collective et tendances personnelles, qui transparaîtront plus ou moins dans l'œuvre : chez Pasolini autant que chez Gibson (mais bien autrement). Je ne peux m'empêcher de voir plus de christique dans le film de Pasolini, mais ça aussi c'est personnel. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Feld / | 27/02/2015

PASOLINI ET SCORSESE

> Pour moi, le plus grand film sur la vie du Christ reste 'l'Evangile selon Saint Matthieu' de Pasolini...
Dans un genre très différent, j'ai été également marqué par la 'Dernière tentation...' de Scorsese, (je crois assez librement) adaptée du roman de Kazantzakis. Une vision arianiste du Christ, mais avec deux scènes fascinantes. Celle du début, véritable préfiguration de la Passion, où Jésus, charpentier, porte sur ses épaules, sous les quolibets de la foule, une poutre de bois destinée à faire une croix, qu'il va livrer à l'occupant romain. Et celle de la fin, où, tenté par le démon (représenté par une fillette...clin d'oeil fellinien ?) de renoncer à sauver l'Humanité, il se voit à la fin de sa vie, "engueulé" par Judas Iscariote, alors que, dehors, les troupes de Titus dévastent Jérusalem...
https://www.youtube.com/watch?v=Oxt4Qq76vB0
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Écrit par : Feld / | 27/02/2015

à Feld

> mais pourquoi Gibson a-t-il ajouté à la flagellation une bastonnade qui n'est pas dans les récits de la Passion ? Là on est vraiment dans son problème psy personnel, masochisme retraçable dans ses autres films : 'Brave Heart', 'Apocalypto'.
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Écrit par : a. ancelin / | 27/02/2015

LA PERSONNE

> Ce qui fait la Passion n'est pas le volume des supplices, c'est la personne du Supplicié.
Gibson en en rajoutant ne fait que brouiller cette vérité.
Défaut du film.
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Écrit par : emmeline / | 27/02/2015

PASSION

> Et la scène où Jésus au Jardin des Oliviers, écrase un serpent sous le talon avec un air de dire "et maintenant, ça va chier les mecs."
"Stumpy ! prend la Winchester"
boudille ....

@Emmeline
exact !
ce qui fait la Passion, c'est l'amour donné, c'est la Résurrection.
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Écrit par : E Levavasseur / | 27/02/2015

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